SECMA F16 TURBO GT: à LA RENCONTRE DE LA DERNIèRE SPORTIVE FRANçAISE ARTISANALE

ESSAI – SECMA produit une centaine de voitures chaque année. A peine plus que Bugatti! Mais cet artisan du Nord a une conception diamétralement opposée de la voiture sportive. La F16 Turbo GT mise ainsi sur la légèreté. La dernière version en date reçoit une nouvelle face avant plus harmonieuse mais les sensations, toujours uniques, ne changent pas.

Se rendre chez SECMA est toujours une expérience singulière. Cet artisan de l’automobile, installé à Aniche dans le Nord, est l'un des derniers de son espèce. Et le seul en France depuis la disparition de PGO. Depuis les années 1970, Daniel Renard, directeur de l’entreprise, hante les locaux de la rue Denfert-Rochereau. Il a débuté avec des voitures sans permis, vendues sous la marque ERAD. Puis les hasards de l’histoire l’ont conduit à créer la SECMA (Société d’études et de conception en mécanique automobile) en 1995.

Peu à peu, la gamme a évolué de véhicules de loisirs à la construction de véritables sportives légères, dont la F16 Turbo GT est aujourd’hui le porte-drapeau.

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Présenté en 2016, ce modèle reprend le moteur de la Peugeot 308 GT, placé dans un châssis-poutre ultraléger. Avec 225 ch pour 673 kg, le rapport poids/puissance est proche de celui d’une Porsche 911 GT3! Même si la notoriété de SECMA, qui ne dispose pas de réseau de distribution, est faible, les caractéristiques de la F16 Turbo font parler d’elles. "Nous avons de plus en plus de clients qui viennent de chez Caterham", nous explique Gérard Houdart, responsable commercial de SECMA. "Parce que leur distribution est de plus en plus erratique, mais aussi parce qu’elles sont affectées d’un malus écologique élevé." Grâce à des émissions de CO2 contenues à 132 g/km, la F16 Turbo GT se contente d’une éco-taxe de 240 €. Unique sur le marché des sportives!

Un roadster fabriqué à la main

Ce qui est également unique, c’est la manière dont est fabriquée la F16 Turbo GT. Si SECMA achète ses moteurs, ses boîtes de vitesses et quelques éléments standard, la construction de ce roadster fait largement appel au savoir-faire manuel. Entrer dans l’usine ressemble à un voyage dans le temps. Une fois passé la surprise de tomber nez-à-nez avec des moteurs d’avions centenaires, que collectionne Daniel Renard, on est étonné de voir encore les châssis fabriqués à la main.

Des techniciens coudent un à un des profilés d’acier sur des gabarits, avant de les souder entre eux pour former le châssis-poutre, dont la poutre centrale fait office de réservoir d’essence! Une immense majorité de composants sont fabriqués en interne ou dans la région. Voilà qui a permis à SECMA de poursuivre sa production même pendant le confinement, alors que la plupart des usines automobiles étaient à l’arrêt.

Usine SECMA, fabrication des châssis. Crédit : Challenges - N. Meunier

Aujourd’hui, trouver de la main-d’œuvre est d'ailleurs la plus grande difficulté de SECMA. "Nous comptons une vingtaine d’employés, reprend Gérard Houdart. L’usine tourne à plein régime, nous avons du mal à recruter. Nous parvenons tout juste à compenser les départs en retraite".

L’artisan est également touché par les hausses de prix. "De nombreux fournisseurs ont augmenté leurs tarifs ces derniers temps. Toutes les semaines, nous voyons grimper le prix de certains composants que nous utilisons. Notre sous-traitant qui fabrique les coques rotomoulées a vu sa facture d’énergie bondir de 60%. Nous n’aurons pas d’autre choix que d’augmenter nos tarifs dans les semaines à venir. Car nos marges sont assez faibles, même si elles suffisent à assurer l’ordinaire de notre production."

Un look qui rappelle les roadsters anglais

A 39.600 €, la SECMA F16 Turbo GT avance en effet un tarif contenu pour un modèle de cette trempe. C’est moins cher qu’une Caterham Seven 170… Qui se contente d’un petit moteur de 84 ch! Et, même si quelques clients persistent à demander l’ancienne version, un peu plus abordable et qui reste au catalogue, le nouveau style plaît. Cela assure au petit constructeur une demande soutenue, et un carnet de commande rempli pour les quatre prochains mois.

Autrefois, la face avant abrupte de la F16 Turbo, aux phares surélevés et à la partie centrale creusée, était souvent comparée à celle de la Citroën Ami 6. Le rapprochement n’était guère flatteur dans la bouche des détracteurs et elle était peu goûtée par Daniel Renard. Sur la nouvelle F16 Turbo GT, ces lignes torturées cèdent place à des formes plus douces. Les phares ronds et la bouche ovale rappellent un peu les sportives britanniques d’antan, ou encore la Ginetta G40.

L’ensemble est un peu plus consensuel, affiche plus de charme, sans perdre en singularité. Autrefois, il fallait s’intéresser à la fiche technique de la F16 Turbo pour être séduit. Désormais, on peut être attiré par son style, et agréablement séduit par les caractéristiques.

Un cockpit dépouillé à l'extrême

Si l’allure est plus avenante qu’auparavant, la finition reste rustique. La carrosserie est constituée de panneaux en ABS thermoformé teintés dans la masse (fabriqués sur place), tout comme l’intérieur. Cet habillage léger n’a évidemment pas un rendu aussi flatteur que des métaux, ou les plastiques utilisés sur des automobiles de grande série. Les portes en élytre optionnelles, réalisées en toile, donnent une touche spectaculaire à l’auto. Il n’y a pas d’écran, pas de radio. Le seul élément un peu précieux sont les compteurs, repris de la Citroën DS3 Racing.

SECMA F16 Turbo GT. Crédit: Challenges - N. Meunier

A l’ouverture de la porte, extrêmement légère, il faut se glisser dans un habitacle-baignoire moulé d’un bloc, sièges compris: juste recouverts d’une housse en cuir rouge ceux-ci font partie intégrante de la coque et ne sont donc pas réglables. Le volant non plus: seul le pédalier peut s’avancer ou se reculer et les petits gabarits se trouveront peut-être un peu loin des commandes. Surtout, le pédalier est décalé vers le centre, avec un accélérateur presque caché derrière la console centrale. Il faut bien calculer son coup pour effectuer un talon-pointe digne de ce nom!

SECMA F16 Turbo GT. Crédit: Challenges - N. Meunier

Démarrer la F16 Turbo se fait à l’ancienne, avec une clé extrêmement mince (il n’y a pas de télécommande, puisque pas de serrure sur les portes!). Le quatre-cylindres s’ébroue, de manière sensible du fait de l’absence totale d’insonorisation. Le maniement de la boîte manuelle à six vitesses (celle de la Peugeot 208 GTI) manque un peu de précision. La troisième est parfois un peu difficile à trouver et les mouvements du moteur sur ses supports sont retransmis dans le levier.

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La SECMA F16 Turbo GT délivre des sensations uniques

Mais lorsqu’on accélère, pardon! Au moment où l’aiguille du compte-tours dépasse les 4.000 tr/min, un souffle bruyant se fait entendre à l’arrière, le turbocompresseur projette l’auto en avant comme un fétu de paille. Un peu comme si on enclenchait le mode hyperpropulsion du Faucon Millenium. La poussée flanque le frisson d’autant plus que l’air s’infiltre bruyamment par le haut des portières au-delà de 160 km/h. Il est vrai que celles-ci n’ont pas été conçues pour être totalement étanches. La planche de bord, très basse et éloignée des yeux du conducteur, donne véritablement l’impression d’être assis sur un missile guidé. La perception de la vitesse est décuplée par les vibrations et on se met à vénérer toute cette rusticité. Les chiffres sont là: un 0 à 100 km/h en 4,8 secondes, vitesse de pointe de 260 km/h. Ce véhicule est addictif !

SECMA F16 Turbo GT. Crédit: Challenges - N. Meunier

Vu la légèreté de l’ensemble et les performances, on aurait pu s’attendre à un comportement routier foutraque. Ce n’est pas du tout le cas, bien au contraire: le châssis-poutre se révèle étonnamment rigide et la suspension digère les bosses avec talent. Les pneus de taille raisonnable (195/50 R15 à l’avant, 215/45 R16 à l’arrière) donnent des réactions progressives. La direction (non assistée) présente un léger jeu autour du point milieu, puis se révèle directe et précise ensuite.

Le train avant apparaît étonnamment mordant quand on voit à quel point tout ce qui est situé devant le pare-brise est vide. La F16 Turbo se comporte comme un gros kart: un léger sous-virage se contre aisément en levant le pied. Et l’auto se stabilise seule en appui, grâce à un train arrière étonnamment verrouillé et communicatif.

"Tout est question de mise au point", nous assure Gérard Houdart avec un clin d’œil. Car SECMA ne dispose pas des logiciels ultra-sophistiqués des grands constructeurs pour calculer les déformations élasto-cinématiques des liaisons au sol.

SECMA F16 Turbo GT. Crédit: Challenges - N. Meunier

A l’arrière, la motricité est abondante, du moins sur le sec: la présence d’un différentiel arrière Torsen à glissement limité permet un dosage aisé des 300 Nm. Il faut simplement se souvenir que cette SECMA ne dispose d’aucune assistance à la conduite, pas même un ABS. Et, vu les performances, le freinage manque un peu de mordant: les disques, repris de la Peugeot 206, ont le mérite d'un prix d'entretien extrêmement modique.

A longueur d’année, nous conduisons des voitures de plus en plus aseptisées. Il apparaît rassurant de voir qu’il existe encore des autos comme la SECMA F16 Turbo GT. Les sensations qu'elle délivre nous ramènent à l’époque héroïque où l’automobile de sport était une affaire de courage. Prendre le volant de ce roadster, c’est avoir l’impression de tutoyer le danger. Mais seulement l’impression, puisque les réactions de cet engin sont fondamentalement saine. C’est un frisson génial. La SECMA F16 Turbo GT est tout simplement le shoot d’adrénaline le plus abordable du marché automobile actuel.

SECMA F16 Turbo GT. Crédit: Challenges - N. Meunier

SECMA F16 Turbo GT
  • Sensations incroyables
  • Look enfin charmant
  • Performances démoniaques
  • Tarif contenu
  • Position de conduite perfectible
  • Finition légère
  • Freinage peu mordant
  • Polyvalence limitée
  • Performances5/5
  • Comportement routier4/5
  • Confort2/5
  • Aspects pratiques2/5
  • Prix/équipements5/5
  • Qualité de présentation3/5
  • Consommation4/5

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