CETTE DéCOUVERTE PROMETTEUSE POURRAIT EXPLIQUER POURQUOI LES FEMMES SONT PLUS SUJETTES AUX MALADIES AUTO-IMMUNES QUE LES HOMMES

Des scientifiques de l'Université de Stanford ont découvert une explication probable à un mystère biologique vieux de plusieurs décennies : pourquoi beaucoup plus de femmes que d'hommes souffrent de …

Diabète de type 1, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, psoriasis, lupus érythémateux disséminé, vitiligo, maladie de Crohn, syndrome de Guillain-Barré… Ces maladies apparemment bien différentes ont un point commun : elles sont dues à un dérèglement du système immunitaire qui se met à "attaquer" l'organisme qu'il doit normalement protéger. Appelées maladies « auto-immunes », elles touchent environ 5 millions de personnes en France selon les chiffres de l’Institut Pasteur. L’AFM Téléthon précise quant à lui qu’il existe plus de 80 maladies auto-immunes identifiées à ce jour. Certaines sont dites « systémiques » car elles touchent plusieurs organes ou tissus du corps (sclérodermie, lupus érythémateux disséminé…) tandis que d’autres sont liées à l’atteinte d’un seul organe ou tissu (le pancréas pour le diabète de type 1, la thyroïde pour la thyroïdite de Hashimoto, la gaine de myéline qui entoure les fibres nerveuses pour la sclérose en plaques…).  Alors qu’il est censé nous protéger contre les agents pathogènes (virus, bactéries…), notre système immunitaire peut parfois se déréguler.

Il peut alors devenir trop sensible à certains constituants exogènes et déclencher des allergies ou réagir contre des constituants de l’organisme et favoriser l’émergence de maladies auto-immunes. Les causes de ce dérèglement demeurent inconnues mais il s’avère qu’une grande majorité des cas (80%) concernent des femmes, ce qui amène les scientifiques à penser que les hormones sexuelles et la génétique pourraient jouer un rôle. Dans le premier cas, les hormones féminines activent les lymphocytes tandis que dans le second, « les hommes ont un seul chromosome X et les femmes deux, or ce chromosome porte de nombreux gènes qui codent des protéines impliquées dans la réaction immunitaire. », précise l’AFM Téléthon. Voilà que cette piste se confirme après la publication d’une étude par des chercheurs de l'Université de Stanford dans la revue Cell. Ces derniers affirment qu'une molécule associée au chromosome X pourrait être en partie responsable. Plus précisément, un gène sur le deuxième chromosome X, que seules les femmes possèdent, peut « s'échapper » de sa place légitime dans la cellule et être repéré par les anticorps qui le voient comme une menace.

« Si nous comprenons ce processus, il pourrait y avoir un moyen de bloquer le développement de maladies auto-immunes »

En effet, les femmes sont porteuses de deux chromosomes X, sur lesquels sont situés différents gènes impliqués dans l’immunité. Pour éviter la surproduction de protéines et assurer une régulation génique identique entre hommes et femmes, il existe des mécanismes qui permettent de réprimer l’expression des gènes portés par l’un des deux chromosomes X. Mais il est probable que cette inactivation soit imparfaite chez certaines femmes et conduise l’échappement auto-immun. C’est notamment le cas pour le gène TLR7, un facteur de risque démontré de lupus érythémateux systémique selon l’institut national de la santé et de la recherche médicale. L’équipe scientifique est partie du constat que de nombreuses protéines couramment ciblées par le système immunitaire chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes avaient quelque chose en commun : elles aident une molécule appelée Xist à remplir sa fonction. Les molécules Xist agissent un peu comme des inspecteurs de contrôle de qualité pour les chromosomes X supplémentaires des femmes, les empêchant de produire une quantité toxique de protéines.

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Les scientifiques soupçonnent que lorsque les cellules immunitaires rencontrent de grandes quantités de ces protéines liées au Xist, elles peuvent réagir en produisant des anticorps pour les attaquer dans tout le corps. Dans des circonstances normales, le gène, appelé Xist, vit à l'intérieur du noyau de la cellule. Mais face à certains déclencheurs, comme des lésions tissulaires ou une inflammation, Xist et ses protéines associées peuvent « s'échapper »… mais les anticorps du système immunitaire pensent que Xist et ses protéines constituent une menace et cherchent à le détruire. Interrogé par le San Francisco Chronicle, le Dr Howard Chang, professeur de dermatologie et de génétique à Stanford affirme que « nous ne pouvons pas nécessairement dire que Xist est à l'origine du problème, mais nous observons une réponse immunitaire contre ce complexe. Nous travaillons à comprendre pourquoi le système immunitaire voit Xist, commence à y réagir et comment cette réaction est amplifiée. Si nous comprenons ce processus, il pourrait y avoir un moyen de bloquer le développement de maladies auto-immunes. C'est quelque chose que nous espérons faire progresser à l'avenir. »

Une découverte prometteuse pour un diagnostic plus précoce des maladies auto-immunes

Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont étudié des souris génétiquement modifiées : des mâles et des femelles produisaient du Xist. Comme leurs homologues féminins, les souris mâles couraient également un risque accru de développer des cas graves de lupus. S’ajoute à cela le fait que les chercheurs ont également découvert, après avoir analysé le sang de 100 personnes atteintes de maladies auto-immunes, la présence d’anticorps dirigés contre les protéines liées au Xist. Alors que certains autoanticorps étaient spécifiques à une maladie auto-immune, d’autres étaient plus « larges ». Les scientifiques suggèrent qu’ils pourraient être utiles en tant que biomarqueurs diagnostiques pour aider à identifier les maladies auto-immunes émergentes avant l’apparition de symptômes. Mais Xist ne peut pas à lui seul provoquer une maladie auto-immune, sinon toutes les femmes seraient affectées. La dernière partie de l’étude a donc consisté à mettre en lumière le fait qu’une combinaison de susceptibilité génétique et de déclencheur environnemental, comme une infection ou une blessure, est nécessaire pour que le système immunitaire se dérègle.

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« C'est vraiment important que l'ARN Xist s'échappe de la cellule là où le système immunitaire peut le voir mais il faut un déclencheur environnemental pour que tout démarre. », résume de fait l’expert. Bien que d’autres études soient nécessaires pour confirmer cette découverte, l’équipe scientifique estime qu'il serait intéressant de voir comment les options de traitement disponibles pourraient s'intégrer dans ce nouveau mécanisme.  Sur le long terme, il s’agirait également d’utiliser de nouveaux et meilleurs moyens de diagnostiquer les maladies auto-immunes et de vérifier si les traitements fonctionnent. Mais les chercheurs affirment d’ores et déjà en guise de conclusion que l’une de leurs remarques ne fait aucun doute, à savoir que les préjugés sexistes dans la recherche médicale pourraient être l’une des raisons pour lesquelles il a fallu si longtemps aux scientifiques révéler ce mécanisme. « Chaque cellule du corps d'une femme produit du Xist mais depuis plusieurs décennies, nous utilisons une lignée cellulaire mâle comme étalon de référence. Ainsi, tous les anticorps anti-complexes Xist d’une patiente restent invisibles. », atteste le Dr Howard Chang.

A noter qu’il n’existe pas de traitement qui permette de guérir d’une maladie auto-immune. Ceux actuellement disponibles vont uniquement corriger les désordres engendrés par les processus immunitaires. Ils permettent le plus souvent de rétablir un fonctionnement le plus normal possible et d’obtenir la rémission des symptômes. Dans le domaine de la recherche, l’Inserm fait par ailleurs savoir que « l’objectif ultime est de pouvoir supprimer spécifiquement le mécanisme d’origine d’une maladie auto-immune, sans modifier le fonctionnement normal du reste du système immunitaire. Il reste difficile à atteindre car les cascades biologiques normales et pathologiques présentent souvent des effecteurs communs. Pour autant, la recherche progresse en ce sens grâce aux progrès importants réalisés en recherche fondamentale, préalable indispensable au développement des thérapies ciblées. » Et bonne nouvelle, depuis plusieurs années, des traitements ciblés se multiplient à destination des patients, notamment dans le traitement des maladies inflammatoires rhumatismales ou gastro-intestinales.

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